4 novembre 2009

Pomme


          Nous savons tous ce qu'est ceci - en tous cas nous en savons une partie, ne lâchons pas la savonnette!, ne léchons pas la pomme!, ni l'inverse :
 


          Et bien en croquant l'une de ces choses pour traiter un creux, je me regardais dans le reflet d'une fenêtre, qui disparut comme passait dehors un nuage et qu'une averse se brisait sur la vitre. 

          "Quelle idée judicieuse d'avoir inventé la Toussaint début novembre !", me dis-je. 

         Le ministère du culte aura bien fait son boulot. Provisions de pommes faites au début de l'automne, il n'est pas trop complexe de donner pour pâture aux débiteurs du Fruit les injonctions du Ciel. Quand les jours sont parmi les plus cours du cycle des saisons, et que la froidure approche, les grandes fins et les faims possibles préoccupent davantage. La grippe guette, et la crise est plus glissante. L'odeur de chrysanthème se mélange donc à celle des pommes, certains faisant compote de leurs prières, d'autres encore l'inverse. Beaucoup parlent du mauvais temps!


     Un aller/retour du côté du paradis ne semble donc pas un luxe.

   
     Celui de P.P.Rubens (1577-1640) et Brueghel de Velour (1568-1625) est assez terrestre pour y flairer l'exotisme. J'ai lu qu'au cours de leur accouplement, les deux peintres avaient bien sur truffé leur œuvre de symboles.
Cependant que je suis émue par le statisme des postures animales en scène qui éparpillent un arrêt sur image, la toile est suspendue au geste qui pétrit la pomme ( le pépin - le mot - le monde), entre  les parenthèses du principe. Moment donc où la pomme de tous les contes entre en orbite de toutes les formes d'un même modelé... 
          La complémentarité des couleurs est, parfois, un outil un peu sommaire. Mais Rubens décrit ses chairs avec du rouge et du vert. Et c'est l'idée déjà d'un langage binaire (1 rouge pour 1 jaune et 1 bleu - un/deux -), déjà une équation musicale qui tinte et palpite de nuances claires ou sombres. Et yin et yang ne sont pas loin de ces ombres swinguées par un nœud... sensé moucher au passage l'ignorance qui met à poil. Mais rien encore n'est invisible, ni bides, ni fesse, masse graisseuse ou muscle attendri.

          Soit la hantise peut-être des bestioles alentour dont plumes et fourrures ne tarderont pas à recouvrir l'intime postulat du mystère pour alimenter la demeure du langage. Car tout ce qui se meut est bientôt convoqué, la forme en couleurs et en flux, la nature en noces et en naufrages, le singe en homme, les fauves en force d'hommage, l'être en paraître, le silence en caractères d'absence, les mots en maux bien sûr, le fruit en mythe de régime, le ciel en météo et en projets d'avenir, et le sifflant serpent en sac. Par conséquent sécant, convocation et convoitise s'accolent en préfixe puis divergent radicalement. Les mots laissent coi !/?

          Est-ce une raison suffisante pour n'avoir qu'une pomme à mettre sous son chapeau?  
          On se le demande car ceci n'est pas un ordre... Ceci est un dé-monstratif, cela le précise, et le sert, pend et suit ce silence ci et là qui siffle sur nos têtes. Ceci dièse cela qui l'entonne, si là pointe à la clef de l'étonnement.  
          Serait-ce l'esquisse d'un masque un peu cru pour ma pomme? Ou bien l'esquive d'une forme en imperméable?
Car tout esquif se mue en arche ou en radeau, les coiffes en ruches ou en melon.

         

          C'est étrange ce que l'inadvertance des reproductions produit de digressions. Étrange comme les commentaires se remplissent de reflets. Et soudaine l'envie de manger un tableau, car un bon tableau ne dévie jamais de l'attraction qu'il provoque, à peine fond-t-il dans un faux contre-jour. Manque de bol, les musées sont fermés ou regorgent de commentateurs. 
           Je crois que je vais reprendre une pomme...


peinture- magritte- adam et ève au paradis- 
      

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